Manger mieux pour moins cher ?
Hello à tous,
Laissez-moi tout d’abord vous souhaiter une bonne année du Buffle ! 🧧
Pour la petite histoire, le buffle est classé au 2ème rang dans le zodiaque chinois d’après une course qui devait déterminer la garde céleste, composée de différents animaux. Le buffle est en tête durant toute la course mais s’est fait doublé par le rat sur la ligne d’arrivée. Le malin s’était caché dans le dos de la buffle.
Edition un peu spéciale cette semaine, j’avais envie d’aborder une question qui me parait crucial : est ce qu’il est possible de bien manger à n’importe quel budget ?
Sans rentrer dans l’actualité où le fait même de se nourrir devient compliqué pour une partie de la population à cause de la crise sanitaire, on peut quand même s’accorder que manger devient de moins en moins cher. On est une génération biberonnée à la mondialisation et à l’industrie alimentaire. On a accès à une infinité de produits venus du monde entier, à des des prix toujours plus bas grâce à la spécialisation agricole dans chaque région, jusqu’à l’excès parfois.
Et puis, on a regardé quelques documentaires et lu quelques livres et on a compris que le cochon sur le paquet de jambon n’a sans doute jamais eu une vie heureuse, la poule pondeuse (même bio) n’a jamais connu la prairie verte qu’on nous montre sur la boite des oeufs et on comprend mieux pourquoi la tomate qu’on fait pousser sous les serres aux Pays-Bas n’a plus de goût.
C’est là que l’idée de mieux manger commence à germer dans vos têtes : consommer des produits locaux, de saison, qui ont du goût et avec le moins d’intermédiaires possibles. Dans un monde idéal (ou pas), on achèterait tous bio et locaux, consommerait les produits exotiques uniquement avec parcimonie et s’interdirait tout produit industriel et fast-food.
Mais il n’est pas facile de se défaire de nos habitudes. Notre comportement d’achat sur les produits de nécessité est très pragmatique et se repose sur 3 critères : le prix, le choix et la commodité.
La commodité désigne la facilité avec laquelle on peut acheter et consommer un produit. Prendre un plat Picard est plus pratique que de se faire à manger à partir des produits frais; aller au Monoprix ou commander sur Amazon est plus pratique que d’aller faire le marché & AMAP. Et comme l’Homme moderne a moins en moins de temps à consacrer à manger, la commodité devient un critère essentiel pour beaucoup. C’est pas étonnant que les services de livraison ou les aliments en poudre ont le vent en poupe.
Le choix est tout simplement l’exhaustivité des produits. La mondialisation et la baisse du coût de transport nous a affranchi des notions comme saison et région. Il est possible de manger des cerises en hiver et des clémentines en été, des lynches du Madagascar ou des avocats du Mexique (que j’adore, même si c’est le nouvel or des narcos locaux…). Mais encore une fois, le pragmatisme va l’emporter. Manger uniquement des produits locaux et de saison peut vite devenir un casse tête, surtout en hiver. Sans parler que cela vous fait passer pour un extrémiste / paranoïaque / rabat-joie, au choix, auprès de vos proches.
Le prix est le dernier élément de ce triptyque. Même si une grande majorité des Français mangent à leur faim de nos jours, on reste sensible au prix. Je prends un exemple à l’extrême : si j’avais un budget illimité, je pourrais avoir un chef à domicile, qui cuisinerait uniquement à partir des ingrédients sourcés auprès des petits producteurs accessibles jusqu’ici aux grands chefs. Evidemment, ce n’est pas le cas. Alors est ce qu’il est possible bien manger avec des produits qui ont du goût, sans produits chimiques, sans (trop) de souffrance animale, respecter les terres et la planète, [insérer votre argument ici] ?
Combien dépenses-tu pour manger ?
Personnellement, je n’ai jamais trop fait attention car 1) je cuisine assez souvent à la maison (j’aime ça et il se trouve que c’est souvent moins cher, à qualité égale) , 2) je ne bois pas beaucoup (l’alcool peut faire grimper la facture facilement) et 3) je ne fais pas tant de resto que cela en y regardant de plus près. Résultat : je ne regarde pas trop les prix quand je fais les courses…
Puis le COVID est arrivé. Plus de resto, plus de bar. Nos habitudes sont chamboulées et les dépenses sont limitées au strict minimum. J’en ai profité pour revoir mon budget en général (vous pouvez faire l’exercice pour calculer votre "budget minimum" aka votre budget frugal 😉). Résultat : je dépense environ 200€ / mois pour l’alimentation en ce moment. Ce montant est basé sur le fait que :
Je vis en proche banlieue Paris, en couple, sans enfants (donc 400€ en moyenne à 2)
Je fais mes courses essentiellement aux supermarchés du coin (Monoprix, Franprix, Naturalia, Picard) + commerces de quartier (boucher, primeur), épicerie fine pour certains produits + marché (poissonnier, primeur, traiteur) + en ligne (La Fourche)
On mange 4 à 5 fois de viande par semaine (ça reste une moyenne mais j’essaie de manger moins qu’avant)
Je cuisine moi même la plupart des plats (80%). Le reste se compose de plats surgelés + quelques take-ways dans les restos & traiteurs du quartier
On ne fume pas et très peu d’alcool
0 sorties bar & resto et pas de delivery (Uber, Deliveroo)
Ce budget me suffit amplement même si je n’achète évidemment pas tout bio ni tout local ou des produits de luxe : une côte de boeuf Wagyu, un peu de morilles, un panier d’agrumes avec du citron caviar et de yuzu et je fais exploser le budget facile. Petit aparté sur le bio
: je privilégie plus le local que tout bio. Entre la guerre des labels, des producteurs & vignerons qui ne peuvent pas se permettre de passer au bio à cause des coûts ou ton kiwi bio importé de l’autre bout du monde, il y a comme un truc qui cloche. Si le sujet t’intéresse, voici
une série d’articles intéressante
à lire.
Retour sur notre budget. En comparant avec les chiffres de l’Insee, j’apprends que les ménages français consacrent en moyenne 10% de leur dépenses aux courses alimentaires. Un autre chiffre encore plus intéressant : la part de l’alimentation (alcool, tabac, restos compris) dans notre consommation globale diminue fortement depuis 40 ans : 35% en 1960 , plus que 20% en 2015.
On peut d’abord l’expliquer par une augmentation du niveau de vie moyen, donc on consacre moins en proportion aux dépenses primaires (alimentation & habillement) et plus aux loisirs (#CaptainObvious). Ensuite, certains postes de dépense ont beaucoup augmenté comme le logement ou encore tout ce qui est lié à internet et communication (votre grand mère n’avait pas à payer l’abonnement Netflix, Spotify et l’iPhone à 1200€). Enfin, le panier alimentaire a beaucoup évolué depuis 40 ans : moins de viande, de fruits & légumes et d’alcool (donc des produits relativement chers) et plus de produits sucrés et plats préparés. Il n’y avait qu’à regarder les archives d’INA pour se rendre compte que les recettes d’il y a 30 ans auraient du mal à passer sur Top Chef aujourd’hui. Pour le plaisir, voici la recette de pâte à crêpe (avec BEAUCOUP d’alcool) de Raymond Olivier et cet agneau rôti de Maïté avec…un agneau vivant dans les bras.
Bien manger pour moins cher ?
Un agriculteur en France ne roule pas sur l’or. On apprend ici par exemple qu’en 2018, le revenu moyen mensuel d'un agriculteur est de 1390€ (pas de précision sur le brut ou net, on ne connait pas non plus la médiane mais vous avez l’idée). J’imagine que c’est pas lui qui empoche le pactole sur le petit chou-fleur bio vendu à 4€/pièce.
Pourtant, en vous baladant sur les routes de France, vous vous êtes déjà rendu compte que les bons produits ne coûtent pas si cher. J’ai vu par exemple de cerises à 3€/kg en Alsace ou des tomates ou abricot bio à 1€ en Camargue. Bon, on ne pourra évidemment pas espérer des prix pareils en étant à Paris mais l’idée reste la même : pour bien manger pour moins cher, il faut se rapprocher le plus possible du producteur et passer outre tous les intermédiaires qui se prennent leur pourcentage.
Vous n’avez pas sans doute pas besoin de ma démonstration pour arriver à cette conclusion là, mais voyons voir les offres disponibles. Das le tableau suivant, j’ai classé les différents moyens de faire ses courses à Paris, du plus proche producteur au plus éloigné. La grande distribution gagne haut la main ? Pas vraiment car les produits sont globalement moins quali mais suffisants pour la plupart d’entre nous..
1) Direct producteur : la vente à la ferme est évidemment le moyen le moins cher de procurer des bons produits. Mais pas évident quand on habite en ville. Certains producteurs / pêcheurs se sont mis à la livraison depuis le début du covid, ce qui reste sans doute le meilleur plan en rapport de qualité / prix.
2) AMAP : je n’ai jamais franchi le pas malgré tous les avantages (prix, produits de saison, esprit asso) d’une AMAP. Il faut déjà trouver une AMAP près de chez soi, avec des horaires pas trop contraignants. Mais c’est surtout le fait de se voir imposé des paniers de saison qui m’ont fait hésité.
3) Commerces en direct : on trouve dans cette catégories tous ces commerces indépendants qui ont explosé à Paris ces dernières années. Ils mettent en relation directement les producteurs et les consommateurs, avec une volonté de transparence, de proximité et une meilleure rémunération pour les producteurs. On peut citer le modèle de La Ruche qui dit oui qui rassemble des communautés autour d’un quartier; des primeurs / épiciers à taille humaine comme Au bout du Champs ou encore des supermarchés coopératifs comme la Louve qui permet à ses adhérents d’accéder à des produits de qualité au prix d’un supermarché normal, en échange de quelques heures de travail par mois. Les prix varient énormément selon la structure et le quartier et peuvent grimper assez vite.
4) Marché & commerces de proximité : je classe dans cette catégorie le marché du dimanche et tous les petits commerces de bouche traditionnels de quartier. Par chance, j’ai l’embarras du choix entre les bouchers, primeurs, apiculteurs, fromagers, traiteurs et boulangers dans mon quartier. Le prix se ressent un peu mais reste honnête par rapport aux produits proposés. Côté primeur, s’il est parfois possible de trouver quelques producteurs sur le marché, la plupart font leur emplette à Rungis.
5) E-commerce bio : de nouvelles entreprises sont arrivées ces dernières années pour démocratiser un peu le bio. J’achète par exemple sur La Fourche, où les prix sont environ 30% moins chers que les magasins bio classiques (vérifié en tout cas avec le Naturalia de mon quartier). Le choix est large et le catalogue s’agrandit régulièrement. Il n’y a juste pas de produits frais et ce n’est pas plus mal pour la livraison. Leur modèle se base sur un abonnement de 69€ /an et une récurrence d’achat plus élevée des adhérents.
6) Grande distribution : il ne faut pas oublier qu’une grosse de part de bio est captée par la grande distribution, y compris Naturalia (Auchan), Bio C bon (Carrefour). On arrive un peu en bout de chaine par rapport aux producteurs mais c’est aussi là que la plupart d’entre nous font les courses. Des marques "responsables" cherchent souvent aussi à être distribuées ici pour toucher le plus grand nombre. Je suis récemment tombé sur 2 marques assez intéressantes au Monoprix : C’est qui le Patron (Non, ce n’est pas une marque lancée par François Ruffin) et La nouvelle agriculture. Une de 2 est cependant accusée de greenwahsing et détenue par l’un des plus grands coopératifs français. Je vous laisse découvrir laquelle, leur site devrait pas mal vous aiguiller. C’est aussi là un des grands paradoxes de notre époque. On nous rappelle depuis des années qu’on est rentré dans l’ère de "consom’acteurs" avec internet mais on est jamais autant assailli de pub et de packaging plus ou moins douteux prêts à nous influencer dans le moindre achat.
Et vous, comment faites-vous vos courses ? Avez-vous des astuces pour manger mieux et moins cher ?
Je partagerai vos réponses dans une prochaine newsletter :)
Quelques astuces basique mais efficaces :
Acheter en vrac : mes parents l’ont compris bien avant avec les sacs de riz de 30kg qu’on a toujours à la maison 😅
Eviter les gaspillage : je ne parle pas uniquement de recycler vos pelures de légumes pour faire des chips mais vous pouvez l’appliquer à plein de produits. Ex : acheter un poulet entier de meilleure qualité (donc plus cher) mais faites 3 plats : la peau et carcasse pour le bouillon (encore meilleur si vous les faites rôtir au four avant), les ailes et cuisses pour du poulet frit et le blanc de poulet pour le reste. Idem pour les gambas : gardez la carcasse et la tête pour faire un fumet ou une bisque. Bref, acheter mieux mais utiliser tout.
Acheter saison : vous le savez pour les fruits et légumes mais savez-vous aussi pour les poissons et fruits de mer ? Si vous aimez les saint jacques par exemple, ne trainez pas trop, c’est encore le moment.
Enfin quelques initiatives qui recensent les commerçants et producteurs en circuit à côte de chez vous. Ici et ici.
Bonne semaine !
Handa