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On continue cette semaine la série “placard de base” avec une sauce que j’affectionne particulièrement : la sauce d’huître. C’est un choix un peu controversé car la sauce d’huître est très connotée “cuisine cantonaise” et peu utilisé dans une grande partie de la Chine. Qu’à cela ne tienne. J’ai toujours une bouteille qui traîne dans mon frigo et je vais vous dire pourquoi.
Pour rappel, voici la liste de mon placard de base (sauce & huile) :
✅ la sauce soja claire
👉 la sauce d’huître
le vin de shaoxing
le vinaigre de riz noir
l’huile pimentée
l’huile de sésame
Au programme
Topic de la semaine : Le placard de base #2 : la sauce d’huître
Open Mic : je réponds à vos questions
Make me smarter : l’imprécision de la cuisine chinoise
Recette de la semaine : Lo Mai Gai
Topic de la semaine : est ce qu'il y a des huîtres dans la sauce d'huître ?
La première fois que t’entends parler d’une sauce à base d’huître, tes neurones ont dû faire plusieurs aller-retours dans le cerveau pour essayer de la visualiser et surtout, imaginer le goût. Parce que la dernière fois que t’as goûté les huîtres, c’était sur la plage de Cancale, ton verre de blanc à la main (ou au dernier repas de Noël, comme tout le monde).
Que tu aimes ou pas les huîtres, la sauce d’huître mérite probablement une place dans ton frigo. Je vais t’expliquer pourquoi en reprenant le framework “what”, “why”, “how”.
Le what : c’est quoi une sauce d’huître ?
La sauce d’huître qu’on achète dans le commerce est une sauce visqueuse, plus ou moins épaisse, de couleur caramel foncé et ne sent pas du tout les huîtres (heureusement ?). Au goût, c’est un mélange entre le sucré, salé et mais surtout très umami. En Chine, on utilise souvent le mot “xian wei, 鲜味” pour décrire ce goût.
La version qu’on retrouve la plus souvent sur son origine remonte à 1888 (un hasard ? Le 8 étant le chiffre de prospérité dans la culture chinoise) : un restaurateur à Zhuhai (dans le province de Guangdong) nommé Lee Kum Sheung a oublié une marmite de soupe d’huître sur le feu. A son retour, la soupe s’est considérablement réduite mais n’a point le goût de cramé. A la place, il retrouve une sauce épaisse avec un arôme délicat, la sauce d’huître est née. Et ce monsieur n’est autre que le fondateur de Lee Kum Lee (LKK), l’une des marques de sauce les plus connues en Asie. Plus de 130 ans après, la sauce d’huître reste leur produit phare.
Comme souvent dans ce genre de storytelling, on entre peu dans les détails de la fabrication. Si la recette originale n’utilise que les huître et rien d’autres, vous imaginez bien que ce n’est plus le cas. Pour vous donner une idée : 100g d’huître (le poids sans les coquilles hein) donne environ 1g de sauce. Donc pour une bouteille de 510g, le format standard chez LKK, il faudrait…51kg d’huîtres ! Je vous laisse imaginer le prix, même dans un pays où les huîtres sont bons marchés.
On retrouve quoi alors à la place ? Voici la liste d’ingrédients de la sauce d’huître premium chez LKK (c’est ce que vous pouvez trouver de mieux chez eux), qu’on va décortiquer.
Oyster Extract (Oysters, Water, Salt), Sugar, Water, Flavour Enhancer (E621), Salt, Modified Corn Starch, Wheat Flour, Colour (E150a).
Oyster Extract : c’est l’ingrédient qui coûte le plus cher, le fameux jus de cuisson des huîtres. Pour éviter un rendement trop faible, le jus est juste légèrement réduit pour avoir un parfum naturel.
Sugar, Water : on rajoute de l’eau pour augmenter le volume et le sucre pour reproduire le goût de la caramélisation dans la recette de base.
Flavour Enhancer (E621) : c’est juste du glutamate, pour reproduire l’intensité de l’umami dans la recette de base.
Salt : le jus de cuisson est moins concentré donc on rajoute du sel (contenu naturellement dans les huîtres).
Modified Corn Starch, Wheat Flour : le jus d’huître coupé à l’eau est évidemment très liquide. On rajoute de la fécule de maïs et de la farine de blé pour épaissir la sauce
Colour (E150a) : c’est le colorant caramel pour reproduire la couleur brun foncé.
Le principal critère de qualité (et de prix) se calcule sur le pourcentage de ce fameux “oyster extract”. Et chose assez étonnante que j’ai découvert chez LKK : ce pourcentage n’est pas le même sur le même produit selon le site production. Exemple le “Premium Oyster Sauce” made in Hong Kong et vendu sur Tesco (UK) contient 40% de “oyster extract”. Le même produit qu’on retrouve en France mais made in China ne contient que 9%…soit moins que la sauce d’huître basique qu’on trouve sur Tesco. Sans un doute un choix d’importateur (pour la France : Tang Frères) en disant que personne ne ferait la différence…
Malgré tout, il n’y a rien de méchant dans une sauce d’huître industrielle. Il existe désormais des versions sans glutamate, sans gluten (pas de farine de blé), réduit en sel ou végétarienne (champignons shiitake). Tout le monde est servi !
Le why : quel est intérêt de la sauce d’huître ?
Contrairement à la sauce poisson - l’autre sauce asiatique très populaire à base des produits de mer - la sauce d’huître est beaucoup plus soft au goût et à l’odeur, tout en conservant ce goût savoureux. Ce qui le rend beaucoup plus accessible et plus versatile dans l’usage.
Je vais reprendre quelques phrases trouvées dans cet article de Bon Appétit qui évoque le goût de la sauce d’huître.
“It’s sweet. And salty. But the flavors run deeper than that. The saltiness is less like table salt and more like ocean water.”
“It’s like four sauces in one.”
“It confers tons of flavor [to sauces, stir-fries, and dressings], without overwhelming the other ingredients.”
Je ne dirais pas mieux, vous êtes prévenu(e) 🤓
Le how : comment on l’utilise ?
La sauce d’huître est principalement utilisés comme assaisonnement dans les plats sautés (stir-fry), que ce soit avec les légumes (brocolis, poivron, poids gourmand) ou la viande. A la maison, je l’associe systématiquement au riz sauté ou encore le brocolis sauté à l’ail. Vous le verrez assez souvent dans mes futures recettes.
Mais il y a évidemment pleins d’autres manières de s’en servir. Par ex :
Comme marinade : notamment avec la viande, un peu en complément de la sauce soja mentionnée la semaine dernière.
Comme assaisonnement : hors les plats sautés, on l’utilise aussi dans les farces de raviolis
Comme dipping sauce: c’est un ingrédient qu’on retrouve beaucoup dans les sauces pour la fondue chinoise
Quelques conseils en bonus
Il faut éviter le mélange avec certaines saveurs trop fortes qui risquent de masquer voire annuler le goût de la sauce d’huître : piment, vinaigre voire trop de sucre.
La sauce d’huître ne supporte pas de cuisson longue (son arôme s’évapore), donc à ajouter plutôt en fin de cuisson ou dans les méthodes de cuisson rapide. D’où son mariage parfait avec les plats sautés au wok (feu fort + aliments découpés = cuisson rapide)
A conserver au frigo après ouverture.
Pour boucler la boucle, voici une vidéo sur la fabrication de la sauce d’huître maison. Comme je le disais au début, ce n’est pas vraiment économiquement rentable, mais la vidéo est intéressante à plusieurs titres.
La méthode est relativement simple et démystifie pas mal une sauce qui est encore obscure pour beaucoup (j’espère beaucoup moins après la lecture de cette édition !)
La vidéo est issue d’une des chaines Youtube les plus sérieuses sur la cuisine chinoise en anglais. Certains le connaissent sans doute déjà : Chinese Cooking Demystified.
Ça dure que 5 mins 😛
Open Mic
Chaque semaine, je réponds en public à vos questions sur la cuisine chinoise. Je ferai une sélection mais vous recevez dans tous les cas une réponse, en public ou privé.
Questions d’Emilie
Hello, je ne vois aucune trace d'artichaut dans la cuisine chinoise. Quand j'ai été là bas on n'a jamais réussi à faire comprendre le légume, même en photo. Ca n'existe pas du tout là bas ? Ou bien c'était pas les bonnes régions ? Et si ça existe, c'est quelles variétés // recettes ?
Ma réponse
Salut Emilie,
Effectivement l’artichaut est quasi inconnu pour la plupart des Chinois, j’en ai jamais vu perso et j’ai un peu vadrouillé dans le pays. Selon le wiki en chinois, on en produit dans la province de Shanxi mais je doute fortement que ça soit pour la consommation locale. Donc pas étonnant que personne n’a compris, même avec une photo :)
Make me smarter : l’imprécision de la cuisine chinoise
Sur l’équivalent de Marmiton en Chine, la plupart des recettes ont de quoi mettre un Français moyen en PLS. Voici une recette (travers de porc braisé) que j’ai cliqué au hasard. Dans la section des ingrédients, aucune quantité n’est donnée. A la place, on retrouve un seul mot : 适量, shi liang (littéralement “quantité appropriée”).
适量 (“quantité appropriée”) et son acolyte 少许, shao xu (“une pincée de”) sont 2 mots présents dans la plupart des recettes chinoises, même encore aujourd’hui. Ayant grandi dans une famille chinoise, ça n’a rien de choquant : je n’ai jamais vu mes parents ou grands-parents utiliser une seule fois la balance ou les verres doseurs. Tout est une question d’expérience et de sens : on sent avec les mains si la pâte pour raviolis est trop sèche ou pas, on regarde avec les yeux si la couleur de notre travers de porc braisé est assez foncé ou pas, on goûte avec nos papilles pour savoir si le bouillon est assez assaisonné ou pas.
Mais comment expliquer ce manque de précision, du moins dans les recettes, de la cuisine chinoise ? Est ce que c’est lié aux traditions de transmission orale (on notait rien pour éviter la fuite des recettes) entre chefs et disciples qui ont longtemps cours dans les restaurants ? Est ce que c’est lié à la moindre importance de la pâtisserie dans la cuisine chinoise ? Est ce que c’est lié à cette culture d’ambiguïté (le “oui” est un “non”, le “non” est peut-être un “oui”, le tout est dans les sous-entendus) qui laisse souvent les étrangers perplexes ? Je n’ai que des suppositions.
J’ai appris à m’accommoder avec cette cuisine de “feeling” (qui n’est finalement que le résultat d’essais et d’expérience, pas de miracle hein). Ce pragmatisme qui t’apprend à cuisiner le plus possible avec ce que tu as, d’arrêter de stresser si tu n’es pas au gramme près et de faire confiance à tes goûts. En 3 mots :
Recette de la semaine : lo mai gai, 糯米鸡
ps: il faut cliquer sur l’image pour lancer la vidéo
☘️ Saisonnalité : tout va bien, le lo mai gai peut être préparé toute l’année. Si tu veux ajouter les noix de Saint Jacques, il faut se dépêcher : la saison se termine mi-mai (voire plus tôt comme à Saint Brieuc).
👩🏻🍳 Difficulté : pas de grande difficulté techniques mais un peu long à faire. Ça se mérite !
❤️ Why I like it : pour ceux qui me suivent depuis un peu, vous avez que j’ai un petit faible pour le riz gluant. Que ce soit le riz gluant du petit dej ou les zong zi, une préparation de riz gluant farcie mais cette fois-ci enveloppée dans une feuille de bambou.
La liste des ingrédients sont sur instagram, dans la description de la video
Lo mai gai est avec le congee un des rares plats à base de riz dans la galaxie dim sum, ces petits plats servis avec du thé pendant les horaires de brunch à Canton ou Hong Kong. Comme beaucoup d’autres plats de dim sum (“har gow” ou “siu mai”), on a pris l’habitude de prononcer ces plats en cantonais plutôt qu’en mandarin à l’étranger, parce que c’est le dialecte dominant des premiers immigrés chinois et donc des premiers restaurants dans les chinatown.
Quelques astuces pour mes chers lecteurs de newsletter comme d’habitude :)
Le riz gluant ne doit pas être seulement cuit, il doit être fondant dans cette recette. Si votre riz gluant final est trop sec, 2 raisons possibles : 1) vous n’avez pas rajouté assez d’eau ou de bouillon pendant la première cuisson vapeur, 2) votre temps de cuisson n’est pas suffisant.
Si vous n’avez pas de feuille de lotus (ce que je comprends car les miennes trainent dans mon placard depuis plus d’un an et vous ne pouvez pas acheter juste une ou 2 feuilles…), vous pouvez vous en passer. A la place, vous pouvez prendre une grande coupelle ou un petit plat à gratin. Comme la vidéo ici par exemple (je me suis inspiré de sa recette dont le chef est legit comme on dit).
Ajuster le ratio farce & riz. J’ai été un peu radin en farce dans ma vidéo de peur que ça dépasse la couche de riz. Mais si vous le faites à la maison, vous pouvez omettre cette contrainte esthétique.
Soyez libre de choisir la farce que vous voulez. A part le poulet (cuisse car plus tendre) et le champignon shiitake qui restent les 2 ingrédients incontournables, vous pouvez être créatif. Pour vous inspirer, dans la recette originale on retrouve souvent du jaune d’oeuf salé, du char siu (porc rôti façon bbq), de la saucisse cantonaise.
C’est tout pour cette semaine ! Rdv la semaine prochaine pour un nouveau thème !
Et n’oubliez pas de mettre un petit ❤️, histoire de savoir si le contenu vous intéresse ou non !
Bonne semaine to all of you,
Handa
J’ai trop envi de tester la recette de feuille de lotus revisité avec des produits de saison bien de chez nous 😉
https://www.quechoisir.org/comparatif-additifs-alimentaires-n56877/e621-glutamate-de-sodium-glutamate-monosodique-p224057/