Il s’est passé presque 1 an depuis ma dernière newsletter. Manque d’inspiration ? Pas vraiment. J’ai plein d’idées de sujets en tête. De la procrastination ? Un peu. Mais j’avais surtout l’impression d’avoir perdu un peu le fil sur les questions qui m’intéressent vraiment.
Parler de cuisine ne se limite aux recettes et aux restaurants. A force de faire ce qui pourrait plaire au plus grand nombre, j’avais oublié mon propre plaisir.
Je vais désormais consacrer 100% de mon temps à Chifan. C’est l’occasion de faire un reboot et de vous en dire un peu plus sur j’ai en tête.
Qui suis-je ?
Pourquoi Chifan ?
Le futur de Chifan ?
Qui suis-je ?
Je m’appelle Handa, j’ai 32 ans. J’ai commencé à poster sur le compte Instagram Chifan en février 2021. L’idée de base était de parler de la cuisine chinoise, qu’on aborde peu dans les médias en France. Et de la raconter différemment.
Il ne s’agit pas de chroniquer sur le dernier restaurant chinois à Paris, de parler du dernier plat tendance sur les réseaux sociaux ou de publier une vidéo de 30 secondes sur la recette du porc caramel (même si j’ai parfois cédé aux logiques des algorithmes des réseaux sociaux, je le concède volontiers).
La cuisine chinoise que je voulais raconter ne se limite pas à un lieu, à un plat, à un thème, à un pays ou à une date précise.
J’ai passé mes 11 premières années en Chine avant d’arriver à Paris. Je ne savais pas un mot en français, mais bizarrement le choc linguistique fût moins violent que le choc culinaire. Mes parents cuisinent toujours chinois à la maison mais il n’y a plus les stands de petit-dej, les échoppes de nouilles, les restaurants en plein air les soirs d’été. Dans la ville où je venais, la nourriture fait partie intégrante du décor urbain, du petit matin au très tard dans la nuit. C’était plus calme à Paris.
J’ai depuis beaucoup développé mon palais au gré des rencontres et des voyages mais certaines habitudes ne changent pas : je préfère toujours chaud et salé le matin, je prends toujours entrée-plat plutôt que plat-dessert et rien ne vaut une soupe de nouilles pour me combler quand l’appétit manque.
Le nom Chifan est constitué de 2 sinogrammes : Chi (吃) veut dire « manger » et Fan (饭) veut dire « riz ». Mis en semble, le mot se traduit simplement par « manger ». Ce mot revêt plusieurs sens en chinois. Il est par exemple courant de se saluer par un « as-tu mangé ? » en guise de « comment ça va ? » lorsqu’on se rencontre.
Avoir bien manger, c’est déjà aller mieux.
Pourquoi Chifan ?
Ayant grandi entre la France et la Chine, je suis souvent saisi par le contraste sur la perception de la cuisine chinoise dans ces 2 pays.
La nourriture en Chine est une affaire sérieuse. Elle est diverse, subtile et technique. Elle a inspiré des générations de poètes et de gastronomes, influencé une grande partie des habitudes alimentaires en Asie de l’est, constitue la base de médecine chinoise traditionnelle (« food is medecine » n’est pas juste un adage, on voit les applications dans la vie de tous les jours là-bas). Les Chinois aiment manger, savent manger et parlent manger. Partout, tout le temps.
Mais en dehors de ses frontières, la cuisine chinoise est plus souvent reléguée à une cuisine exotique comme une autre. C’est une cuisine à la fois très présente et invisible, portée par des immigrés, de travailleurs vaillants mais peu qualifiés. Cette cuisine est dénuée d’histoire, d’attention, de prestige.
Pour le dire autrement, contrairement à une cuisine française (et occidentale au sens large) qui rayonne par ses chefs et leurs étoiles ou une cuisine japonaise qui s’appuie solidement sur cette image de l’artisanat, la cuisine chinoise manque de « storytelling », et ce n’est pas un gros mot dans ma bouche.
Prenons le cas de la France. Parler de cuisine chinoise se résume en général à parler de restaurants chinois (de France). Ça semble logique car pour la majorité des gens, c’est le seul rapport qu’ils ont avec cette nourriture. Mais j’y vois le problème suivant :
Ceux qui cuisinent ne savent pas en parler et ceux qui en parlent n’y connaissent pas grand chose.
Connaitre signifie d’abord de savoir comparer et prendre du recul. La cuisine chinoise qu’on retrouve en France est à des années lumières de celle qu’on trouve en Chine, elle même différente de celles qu’on trouve aux Etats-Unis (American Chinese Cuisine) ou au Pérou (Chifa) et partout où la diaspora chinoise est présente et a réussi s’intégrer dans la cuisine locale. Il n’y a pas une cuisine chinoise mais des cuisines chinoises.
Connaitre signifie de savoir soi-même cuisiner. C’est un peu le débat de savoir si un commentateur sportif doit être lui-même joueur ou si un critique littéraire doit lui-même savoir écrire. J’y vois la différence entre un professionnel et un passionné. J’aime regarder un chef expliquer la logique chimique derrière une technique. J’aime voir des inconnus publier un ebook gratuit de 100 pages sur Reddit sur des nouilles. Les gens passionnés sont souvent passionnants.
Connaitre signifie d’avoir un minimum de contexte historique, culturel et sociétal. La Chine est un pays complexe, sa cuisine l’est tout autant. Parler de soupe nous ramène par exemple au concept de “nourrir la vie” (yangsheng, 养身). Parler de egg-tart doit rappeler le passé colonial de Hong Kong. Parler de végétarisme est indissociable de la philosophie taoïste et bouddhique. Parler de la récente explosion du café en Chine nous rappelle à quel point l’économie chinoise est compétitive et capitaliste. Bref, parler de la cuisine chinoise, c’est d’abord apprendre à (re)faire connaissance avec la Chine d’hier et d’aujourd’hui.
Connaitre signifie enfin d’avoir un point de vue radicalement personnel. J’ai grandi avec la cuisine chinoise mais ce que je vous partage relève uniquement de MA vision de la cuisine chinoise, propre à mon identité bi-culturelle. Elle aurait pu être très différente si j’avais passé toute ma vie en Chine ou si je n’avais connu cette cuisine uniquement à travers les restaurants parisiens.
Comme une langue étrangère, je voulais partager une cuisine chinoise pour que vous puissiez l’utiliser dans votre cuisine de tous les jours (via une technique, un ingrédient, une sauce), vous faire réfléchir et finalement vous l’approprier pour en faire votre propre version. Comme une langue vivante, la cuisine est fluide, mouvante et évolue en continue.
Le futur de Chifan ?
On m’a déjà présenté comme un influenceur (😅) mais j’ai plus l’âme d’un entrepreneur.
Je vais continuer à partager des contenus bien sûr mais j’ai surtout envie de créer des produits et des expériences. La nourriture, j’aime (souvent, parfois trop) l’intellectualiser mais elle véhicule avant tout des émotions. On a besoin de la sentir, de la toucher, de la goûter, de l’expérimenter.
Et c’est aussi une façon égoïste pour moi de construire un projet de A à Z qui reflète exactement ma vision de la cuisine chinoise.
Je vous dévoilerai ce projet au fur et à mesure ici (ce ne sera pas un restaurant !) : la genèse, les défis à relever, les rencontres, bref le backstage d’une aventure entrepreneuriale.
En guise de fin, cette newsletter s’appellera désormais “Chifan Club”. Au delà du jeu de mot douteux, j’aimerais créer un canal où je peux partager avec un public qui voit la cuisine chinoise au-delà des recettes, avec des sujets au long court qui n’ont pas forcément leur place sur les réseaux sociaux.
Quant à la fréquence, vous recevrez uniquement un mail quand j’estime avoir quelque chose d’intéressant à vous partager. Votre temps est précieux, tout comme le mien. Ce devrait tourner autour de 1 mail / mois, peut-être plus, peut-être moins.
Yeaaaaah! Welcome back! Grand hate de voir/lire/rever/manger la suite!
Très heureuse de ce retour et hâte de goûter euh LIRE la suite !